Skip to main content

La transidentité à travers le monde – CHRONIQUE – Marianne Lachance

Par Marianne Lachance

Vous voulez écrire pour l’Alliance Arc-en-ciel? Cliquez ici !

Bulent Kilic / AFP / Getty Images – Une des versions du drapeau de la fierté trans

Pour écouter la chronique radio

Les dernières années auront été remplies d’occasion de discuter de la transidentité et des défis qu’affrontent encore les personnes trans au Canada comme dans le reste du monde. Des débats lancés par de véritables tragédies aux heureuses nouvelles qui permettent chaque jour un peu plus d’acceptation et de compréhension, jamais les médias et la société n’auront autant parlé du « T » de l’acronyme de notre communauté.

Alors que les droits des gais et lesbiennes sont de plus en plus reconnus, où en est donc vraiment la situation des trans ? Au Canada, les droits des trans et leur protection légale ont fait un bond en avant dans les dernières années, avec le changement de sexe légal par simple demande et la localisation de détenus dans des prisons correspondant à leur identité de genre. Aux États-Unis, la situation est plus complexe, entre sensationnalisme médiatique, conservatisme religieux et progressions culturelles. Mais qu’en est-il ailleurs dans le monde ?

Puisque chaque culture a sa propre manière d’aborder les normes sociales associées à chaque genre, il est difficile d’avoir une réponse claire, et si l’on observe le monde d’un œil global, il est difficile de trier toutes les informations pour obtenir une observation unique.

La Norvège a rejoint en 2016 le petit groupe des pays qui, comme le Canada, l’Argentine et la Suède, permettent à leurs citoyens de changer leur genre légalement (passeports, documents légaux, etc.) par un simple formulaire, sans les obliger à avoir au préalable obtenu l’approbation d’un juge ou d’un médecin, voire de subir une transition physique. La Russie tenterait de passer une loi condamnant criminellement les docteurs qui aident leurs patients à prendre des hormones ou à recevoir une chirurgie de réassignement de genre. L’Organisation mondiale de la Santé a prévu retirer le trouble de l’identité du genre de sa liste des maladies mentales dans l’édition révisée de 2018. En Iran, les homosexuels n’ont parfois pas d’autres choix que de subir une transition physique pour pouvoir demeurer avec leur partenaire, le pays ayant légalisé la transidentité, mais pas les unions de même sexe. La tolérance et la haine se côtoient, selon l’endroit où l’on se trouve. Comment mesurer l’acceptation réelle de la transidentité, non par les gouvernements, mais par les citoyens ?

C’est en se posant cette question que le site de nouvelles international Buzzfeed News a décidé de travailler avec la firme de sondage Ipso et l’école de droits Williams Institute de Californie pour réaliser une étude conclusive sur le sujet. Ensemble, les trois groupes ont créé un sondage qui a été proposé aux citoyens de 23 pays pour connaître leur opinion sur les trans. Les résultats, recueillis par Internet ou en personne, selon le niveau d’accès moyen des pays concernés, ont été compilés avec soin pour établir des résultats parfois surprenants.

Les 23 pays étudiés, des États-Unis au Japon en passant par la Hongrie et l’Afrique du Sud, ont été classifiés selon le niveau d’acceptation présenté par les citoyens. S’il n’est pas tout à fait inattendu de trouver la Suède, le Canada, l’Allemagne et la Belgique au sommet de la liste ainsi établie, on pourra être agréablement surpris d’y retrouver l’Argentine et, en toute première place, l’Espagne. Les Espagnols ont en effet été les seuls à juger en majorité que les personnes trans devraient pouvoir changer de sexe légalement sans avoir l’approbation de leur médecin et sans chirurgie. Soixante-dix-sept pour cent de la population espagnole jugeait également qu’elles devraient pouvoir utiliser les salles de bain publiques correspondant à leur identité de genre sans problème. Un chiffre qui paraît modéré, mais qui met la barre haute : en Angleterre, seuls 46% des répondants partageaient cette opinion.

Le Brésil se trouve au quatorzième rang de la liste, sous les États-Unis, le Mexique et la France, au-dessus de l’Afrique du Sud, de la Chine et de la Turquie. Si 50% des Brésiliens interrogés disaient connaître personnellement une personne trans (contre, par exemple, 28% au Canada), il faut hélas considérer le taux de crimes haineux extrêmement élevé dans ce pays.

Personne ne sera étonné de découvrir la Russie au vingt-troisième et dernier rang de ce sondage. On peut se demander si l’intolérance des Russes envers les trans a été encouragée par les mesures prises par le gouvernement de Vladimir Poutine contre la ‘propagande gay’ sous toutes ses formes. À l’heure actuelle, Vitaly Milonov, un législateur de Saint-Pétersbourg s’étant illustré par ses propos homophobes, travaillerait à un projet de loi qui, s’il était accepté, permettrait de punir par la loi les docteurs pratiquant des chirurgies de réassignement de genre. Même si les Russes s’illustraient négativement, avec 20% de répondants estimant que le changement de sexe légal ne devrait pas être permis, on constatera que ce chiffre demeure inférieur à celui des États-Unis, où 24% des personnes interrogées auraient la même opinion.

Parlant des États-Unis, où le débat des salles de bain publiques a noirci bien des pages pendant l’année 2016, on y découvre des statistiques toujours paradoxales. Si le nombre de répondants s’identifiant comme trans est plus élevé que dans tout autre pays (5%, contre 2% en moyenne), à peine un quart de la population (26%) connaîtrait personnellement une personne trans. De plus, 53% des répondants affirment que les trans devraient utiliser les salles de bain publiques correspondant à leur sexe de naissance. Une autre question demandait par ailleurs aux personnes interrogées si elles préféreraient avoir une personne gaie, trans, ou une personne de race ou d’ethnie différente comme voisine. Les États-Unis étaient les plus opposés aux trans, alors que, en Europe, c’était les étrangers qui étaient les moins favorablement accueillis.

Malgré ces chiffres parfois décourageants, tout n’est pas sombre. La majorité des pays étudiés semblent se mettre d’accord pour considérer que la transidentité n’est pas une maladie mentale, non plus qu’un handicap physique. En Inde et en Turquie, 48% des répondants estimaient même que les personnes trans avaient des pouvoirs spirituels ou mystiques. Pour comprendre cette étrange affirmation, il faut se pencher sur l’histoire de ces pays, et plus spécifiquement, celle des communautés de hijras, des personnes du troisième sexe. Une explication qui sera présentée dans la seconde partie de cette chronique -le troisième sexe à travers le monde.

Source et davantage d’informations ici

Cette chronique a été diffusée dans l’émission En Alliance sur CKRL le 8 février 2017. Écoutez l’émission juste ici, la chronique se trouve à 06:25.